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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

mercredi 14 mars 2018

l'inflation thérapeutique

L'inflation thérapeutique


Dans le secteur médico-social, on soigne, on soigne même beaucoup, bien avant de se préoccuper du « social », quand ce n’est pas le social qui prend la forme du soin. Les dysfonctionnements, les difficultés, les problèmes d’une personne qui a le statut (« l’étiquette ») de handicapé sont qualifiés la plupart du temps de pathologie caractéristique de la personne ayant une déficience. Là où un enfant qui n’est pas en situation de handicap rencontre une difficulté ou un problème (d’apprentissage, de développement, de relation, de communication, etc.), un enfant handicapé a des pathologies. Quand un enfant « ordinaire » a du mal à lacer ses lacets, à tenir l’équilibre sur une poutre, ces mêmes phénomènes entrent dans le « syndrome » d’un enfant dysphasique ou dyslexique.

Le milieu y est propice : dans les couloirs comme dans les réunions, tous les professionnels, du moniteur éducateur au directeur, du psychologue (c’est son métier) au chef de service, de l’orthophoniste à l’enseignant (spécialisé ou non) évoquent ici les traits autistiques ou les névroses obsessionnelles de l’un, là les difficultés cognitives ou d’apprentissage de l’autre, plus loin encore les structures psychotiques ou les rigidités psychiques du troisième. A écouter tous ces professionnels experts, une personne handicapée (et je ne parle ici que de ceux qui ont une déficience sensorielle ou du langage : qu’en serait-il des autres ?) court le risque extrêmement élevé et certain, par nature, d’avoir une problématique psychique à soigner.

Au-delà de ces caractéristiques psychiques récurrentes dans la culture médico-sociale, c’est tout le système de représentation qui repose sur l’approche pathologique en raison de l’existence d’une déficience ou d’un trouble, et des incapacités observées en raison de cette déficience ou de ce trouble. L’ensemble des phénomènes de la vie de la personne est vue à travers le filtre des réponses soignantes à une pathologie.

C’est ce qui explique la densité des réponses thérapeutiques, qui se manifeste d’une part par la croissance importante des professionnels soignants (en nombre et en diversité) dans les établissements (complétant, voire suppléant, les réponses sociales, éducatives ou pédagogiques), d’autre par l’inflation des réponses qui s’arrogent les caractéristiques de thérapie. Nulle part ailleurs que dans le secteur médico-social ne sont suivis autant d’enfants par des thérapeutes, dont les psychologues. Nulle part ailleurs il n’y a de tant de propositions de musico-thérapie, d’art-thérapie, d’équi-thérapie, de cani-thérapie, etc.

La conséquence malheureuse de cette situation est qu’il n’y a guère de place pour une approche éco-systémique de la personne. Une attitude, un comportement, une difficulté, ne sont pas par nature des problèmes qui attendent des réponses thérapeutiques condamnant la personne à être réduite à sa déficience, ses incapacités et son statut de « patient ». Les réponses plus « sociales » sont ou ignorées, ou minorées. Il y a aussi beaucoup moins de place pour effectuer les apprentissages sociaux (ou scolaires) qui sont attendus des enfants du même âge. Quand on privilégie le temps du soin, considéré « arbitrairement » dans la culture médico-sociale, comme premier, on a tendance à ignorer les autres facteurs de production du handicap.

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