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Président du Réseau Français sur le Processus de Production du Handicap (RFPPH) Formateur accrédité sur le modèle de développement humain-processus de production du handicap (MDH-PPH), et dans les domaine des droits et des politiques inclusives / administrateur organismes de formation et secteur médico-social / ancien cadre dans le secteur médico-social et formateur

lundi 14 novembre 2016

Adversaire et ennemi

Adversaire et ennemi

La différence et la distinction de ressenti entre les notions d’adversaire et d’ennemi sont parfois appréhendées confusément, tant dans la vie personnelle que professionnelle, et font rarement l’objet d’une pratique réflexive. On gagnerait pourtant, dans le secteur médico-social, à élucider cette distinction fondamentale dans les rapports professionnels, tant ceux-ci sont parfois biaisés faute de cette élucidation, afin de mieux se donner des capacités de penser et d’agir dans de bonnes conditions. Un regard philosophique peut contribuer à cette élucidation, avec une petite incursion en philosophie morale et politique.


Le philosophe J.W. Müller dit : « Dans un régime populiste, il est impossible d’être simplement un adversaire politique ; si l’on s’oppose, on est un ennemi ». Il fait d’ailleurs de cette distinction un des critères de différenciation entre la démocratie, et les autres régimes (absolutiste, autoritaire, dictatorial, totalitaire, terroriste) dont on peut penser qu’ils relèvent de la même modalité de relations politiques. Mais cette distinction peut être vraie également dans d’autres collectifs humains.

Dans les entreprises, qui ne sont pas des collectifs démocratiques (les règles d’organisation peuvent parfois être discutées, mais on n’influe pas sur les buts de l’entreprise, on n’élit pas ses dirigeants, etc.), ce qui peut toutefois distinguer une entreprise d’une autre c’est la nature du rapport entre les personnes (rapport verticaux autant qu’horizontaux), selon qu’ils se déroulent selon le modèle de l’adversaire ou selon le modèle de l’ennemi. Lorsque le désaccord n’est pas permis, qu’il prenne une forme collective (répression syndicale par exemple) ou individuelle (menaces, harcèlement, « si vous ne partagez pas nos valeurs… »), l’adversaire (en toute légitimité) se trouve transformé en ennemi à exclure, à neutraliser, à « supprimer ».

Mais c’est aussi vrai dans d’autres situations, comme lorsque un groupe professionnel impose son « idéologie » et transforme tout adversaire légitime, qu’il soit collègue d’une autre catégorie professionnelle ou cadre hiérarchique, en ennemi dont il faut empêcher l’expression par tous les moyens (comme dans le cas des régimes populistes plus haut), y compris les plus vils : dénigrement, calomnies, harcèlement, « name and shame », etc.


Dans certains établissements pour jeunes sourds, cette position est tenue par la catégorie des enseignants spécialisés. Tout questionnement de leurs pratiques, de leur statut, de leur place, qu’il vienne d’une réflexion institutionnelle ou personnelle, ou qu’elle vienne des organisations qui évoluent (par exemple l’arrivée des interfaces de communication ou des interprètes en LSF dans l’accompagnement de la scolarisation) produit des rapports professionnels sur le mode ennemi. Les « auteurs » des changements théoriques ou pratiques font l’objet d’une délégitimation qui parfois peut prendre des formes violentes : manifestations de mépris envers les autres catégories, utilisation de différentes instances pour des attaques personnelles, accusations fantasmées, mobilisation des professionnels contre des personnes, pratiques de manipulation, etc. De là à penser que de cette situation professionnelle à celle décrite plus haut sur les régimes politiques non démocratiques, il n’y a qu’un pas…

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